
Lors de sa dernière tournée européenne, Samantha Fish a enchaîné les salles combles et les standing ovations, avec notamment un concert mémorable à Lyon (raconté dans nos pages). Portée par l’élan de Paper Doll, son nouvel album enregistré pour la première fois avec son groupe de scène, Samantha Fish a montré au public à quel point ses nouvelles chansons sont taillées pour le live : riffs puissants, voix libérée, influences allant du blues au rock, avec même une touche de punk.
C’est aussi – et surtout – un album profondément personnel, où l’une des blueswomen les plus en vue du moment joue la carte du féminisme, questionnant les rôles qu’on impose aux femmes. Nous l’avons interrogée au retour de cette tournée pour évoquer son processus créatif, ses engagements, ses collaborations, et cette quête essentielle : faire une musique qui dit le vrai.
🎙️ L’interview
Bonjour Samantha. Tu viens de terminer une tournée européenne très bien accueillie, suite à la sortie de ton album Paper Doll. Comment as-tu vécu cette expérience ?
Oui, c’est vrai, j’ai le sentiment que cet album a trouvé une résonance particulière auprès de notre public en Europe. C’est un moment unique pour un artiste : être sur scène, jouer de nouveaux morceaux pour la première fois et entendre les gens chanter avec toi. Les salles étaient magnifiques, le public extrêmement réceptif et chaleureux. C’était une tournée vraiment réussie, du début à la fin.
Le public était incroyable, j’étais à Lyon et l’ambiance était dingue !
Lyon a été un moment fort, c’est vrai. La configuration de la salle était assez originale, les gens semblaient empilés les uns au-dessus des autres ! Ils étaient très réactifs, très enthousiastes. C’était un vrai plaisir d’y jouer.
Paper Doll est le premier album que tu as enregistré avec ton groupe de tournée. Est-ce que cela a changé ta manière d’aborder le travail en studio ?
On a enregistré l’album en plusieurs sessions, entre notre tournée d’été et celle d’automne. Dans ce contexte, il était logique de travailler avec le groupe de tournée. On avait une belle énergie collective en sortant de scène, qu’on a directement emmenée en studio. Je pense que cette sueur, cette intensité du live, se ressent vraiment dans l’enregistrement.

Sur cet album, on sent que tu t’es complètement libérée, à la guitare avec des solos puissants, et vocalement aussi. Que représente cet album pour toi ?
Après mon projet en collaboration avec Jesse Dayton (Deathwish Blues), j’ai eu envie de proposer quelque chose qui ressemble vraiment à ce qu’on vit en concert. On me le dit souvent : les albums sont appréciés, mais c’est sur scène que tout prend une autre dimension. Donc je me suis lancée ce défi-là, faire un disque qui restitue cette énergie brute. Sur scène, je ne me censure pas, alors j’ai fait la même chose en studio. Je ne cherchais pas à faire des morceaux calibrés de trois minutes, j’ai voulu laisser respirer la musique.
« Paper Doll dénonce les attentes irréalistes que la société impose aux femmes »
Le titre Paper Doll semble évoquer une forme de rébellion. Est-ce bien le cas ?
Oui, Paper Doll dénonce les attentes irréalistes que la société impose aux femmes, cette pression permanente à être parfaite sous tous les angles. C’est une chanson de révolte, un refus clair de ces injonctions.
L’album explore de nouvelles dimensions de ton univers musical, avec des influences rock, soul, et même punk. Comment as-tu trouvé l’équilibre entre ces différents styles ?
Je pense que tout repose sur la personnalité et le travail de production. On a mélangé les styles en jouant sur les sonorités : les timbres de guitare, les textures de batterie… Ma voix peut varier selon les morceaux, mais elle reste toujours fidèle à moi-même. Et je dirais que le blues constitue l’ossature de l’album. C’est ce qui ancre chaque chanson, malgré les influences diverses.
Tu as collaboré sur le morceau “Rusty Razor” avec Mick Collins, une figure emblématique du garage punk. C’était une façon de pousser encore plus loin l’exploration musicale ?
C’est mon producteur, Bobby Harlow, qui a eu cette idée. Pendant qu’on enregistrait Rusty Razor, il n’arrêtait pas de dire qu’il entendait une voix masculine pour répondre à la mienne. À un moment, il a compris que cette voix, c’était celle de Mick Collins. Comme ils se connaissent, et qu’ils viennent tous les deux de Detroit, Bobby a dit qu’il allait le contacter. Et quand il promet quelque chose, il le fait. J’étais ravie que Mick accepte. Sa participation a vraiment donné une autre dimension au morceau. C’est l’un de mes préférés de l’album.

Autre collaboration importante : celle avec Jim McCormick, avec qui tu as coécrit plusieurs titres…
Ça fait plus de dix ans qu’on écrit ensemble. Il y a une vraie alchimie entre nous, et une amitié solide. Quand j’ai besoin d’un déclic créatif ou de me reconnecter à l’écriture, je sais que je peux l’appeler. Il est extrêmement doué.
Tu as affirmé : “chaque chanson est un hymne féministe quand on écrit à partir de son propre vécu”. Quel regard portes-tu sur ta place en tant que femme dans le blues contemporain ?
Je pense qu’on a besoin de voir davantage de femmes dans cet univers. C’est difficile de se projeter quand personne ne nous ressemble dans les rôles qu’on aimerait occuper. Si je peux inspirer ne serait-ce qu’une jeune fille à écrire, jouer d’un instrument, ou se lancer dans ce milieu souvent dominé par les hommes, alors j’aurai apporté quelque chose. Plus il y aura de femmes dans l’industrie, plus leur présence semblera naturelle et on pourra enfin se concentrer sur l’essentiel : la musique. Je ne me définis pas seulement comme “une femme dans l’industrie”, mais comme une artiste, avec un point de vue.
« Jouer en première partie des Rolling Stones était un moment symbolique »
En tant que vrai fan des Rolling Stones, je suis obligée de te demander : qu’est-ce que ça t’a fait d’ouvrir pour eux lors de leur dernière tournée américaine ? C’était un moment incroyable ? Que représentent-ils pour toi ?
C’était un immense honneur. Ce sont les plus grandes légendes du rock encore en activité. J’étais sur un nuage. Ils font partie de mes plus grandes influences. Leurs chansons traversent les époques, et ils sonnent toujours aussi bien. Pour moi, c’était un moment symbolique, comme une validation, une confirmation que je suis sur le bon chemin.
Un dernier mot, qu’aimerais-tu que les auditeurs retiennent après avoir écouté Paper Doll ?
Mon but, c’est que ma musique touche les gens. J’écris à partir de ma propre expérience, mais j’espère que ça pourra aussi raconter l’histoire de quelqu’un d’autre. Et si, en plus, ça fait vibrer ou danser en l’écoutant, c’est encore mieux.
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